Comment apporter la preuve du harcèlement moral ?

Réponse
Il n'est pas évident d'apporter la preuve du harcèlement moral, surtout que le salarié est bien souvent fragilisé sur un plan psychologique et qu'il faut par hypothèse non pas un fait mais une multitude de faits qui se répètent.
Le salarié a tendance à se remettre en question, à douter de ce qui lui arrive réellement et à s'en sentir responsable.
Bien souvent, d'ailleurs, ne pouvant plus affronter les événements, il s'arrête en maladie.
Mais pour pouvoir démontrer le harcèlement moral, même s'il n'est pas nécessaire que le salarié prouve les effets du harcèlement sur sa santé, il est seulement tenu de présenter les éléments de fait (ensemble de faits matériels) qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Il faut donc que le salarié victime se constitue un dossier, qu'il garde toute trace écrite des mails, courriers, textos, reçus en interne ou à son domicile. Si les brimades dont il est l'objet sont verbales (adressées de vive voix par le harceleur ou par téléphone), il faut qu'il récapitule par écrit les propos qui lui ont été adressés oralement afin d'en garder une trace écrite et forcer ainsi son harceleur à réagir. Qu'il n'omette pas d'en adresser une copie au supérieur du «harceleur», voire de le saisir officiellement de la situation.
Il faut néanmoins que ces éléments de faits soient de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. En d'autres termes, il faut qu'au vu des éléments rapportés par le salarié, de leur concordance et de leur importance, le juge estime qu'ils suffisent à caractériser une présomption de harcèlement que l'employeur devra ensuite renverser.
Des éléments de faits non suffisants ne permettront pas d'emporter cette présomption. Ainsi la constatation d'une altération de l'état de santé du salarié n'est pas, à elle seule, de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement.
Notez-le : l'employeur, même s'il a pris les mesures nécessaires pour faire cesser une situation de harcèlement, est responsable de l'existence même du harcèlement dans son entreprise.

Intervention des représentants du personnel
Le salarié doit alerter les représentants du personnel qui pourront le conseiller et l'accompagner dans ses démarches auprès du médecin du travail.
Ils peuvent également déclencher les droits d'alerte qui leur sont conférés par le Code du travail. Ainsi, une situation de harcèlement moral est susceptible de constituer un cas d'atteinte aux droits, à la santé physique et mentale ou aux libertés individuelles des salariés, non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, permettant l'alerte des représentants du personnel au sens de l'article L. 2312-59 du Code du travail.
De même un cas de harcèlement peut aussi caractériser une cause de danger grave et imminent, au sens de l'article L. 4131-2 du Code du travail et justifier ainsi une alerte du CSE.
 
 
Références aux textes officiels
C. trav., art. L. 1154-1 (charge de la preuve), L. 4121-1 et L. 4121-2 (obligation de sécurité de résultat de l'employeur), L. 2312-59 (alerte en cas d'atteinte aux droits), L. 4131-2 à L. 4132-4 (alerte danger grave et imminent)
Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-14.069 (l'altération de l'état de santé du salarié n'est pas à elle seule de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement)